Abel
Chivukuvuku, leader de la Casa, troisième force politique de l'Angola
« Notre objectif, c'est le
changement, c'est gouverner l'Angola. Le MPLA ne va pas créer la démocratie
parce qu'il ne croit pas à ça. Dos Santos l'a dit clairement, la démocratie lui
a été forcée. Alors, il faut conquérir la démocratie en Angola. Le changement
est inévitable et nous voulons que ça soit Casa.»
C'est
le troisième homme sur la scène politique angolaise. Et c'est l'homme qui
monte.
Il y a
un an, Abel Chivukuvuku était encore, pour beaucoup, un inconnu. Mais aux
législatives du mois d'août dernier, son tout nouveau parti, la Casa, la Large
convergence pour le salut de l'Angola, a réussi à se placer troisième, derrière
le MPLA (Mouvement populaire pour la libération de l'Angola) et l'Unita (Union
nationale pour l'indépendance totale de l'Angola).
Le
pétrole, les Américains, les relations avec Kinshasa... De passage à Paris, le
numéro 2 de l'opposition angolaise répond sans tabou aux questions de
Christophe Boisbouvier.
Angola -
Article publié le : mercredi 15 mai 2013 à 15:42 - Dernière modification le
: mercredi 15 mai 2013 à 16:16
Abel Chivukuvuku sur RFI: «en Angola, les partis
traditionnels ne sont pas à la hauteur»
C'est le troisième homme
sur la scène politique angolaise. Et c'est l'homme qui monte. Il y a un an,
Abel Chivukuvuku était encore, pour beaucoup, un inconnu. Mais aux législatives
du mois d'août dernier, son tout nouveau parti, la Large convergence pour le
salut de l'Angola (Casa), a réussi à se placer troisième, derrière le MPLA
(Mouvement populaire pour la libération de l'Angola) et l'Unita (Union
nationale pour l'indépendance totale de l'Angola). Le pétrole, les Américains,
les relations avec Kinshasa : de passage à Paris, le numéro 2 de
l'opposition angolaise répond sans tabou aux questions de Christophe
Boisbouvier.
RFI :
Pourquoi avez-vous rompu avec l’Unita ?
Abel
Chivukuvuku : Parce
qu’il fallait amener dans la vie politique angolaise un instrument nouveau, qui
puisse garantir l’espérance. J’étais arrivé moi-même, personnellement, à la
conclusion que mon rôle politique était fini dans l’Unita pour l’Angola.
Qu’est-ce
qui vous différencie sur le plan politique ?
Vision,
énergie, confiance. Parce que nous, à la Casa, nous avons la foi pour dynamiser
le changement.
En
fait, ce que vous dites, c’est que l’Unita est un vieux parti sclérosé. C’est
ça ?
Les
partis traditionnels ont joué leur rôle, et je pense que pour les défis de
l’avenir, ils ne sont pas à la hauteur.
Oui,
mais l’Unita a eu quatre fois plus de députés que vous !
L’Unita
existe depuis presque quarante ans. Le Mouvement populaire de libération de
l'Angola (MPLA, parti au pouvoir, ndlr) existe depuis presque soixante ans.
Quand nous sommes allés aux élections, nous existions depuis seulement quatre
mois. C’est un espoir ! Et je vous garantis que dans les cinq prochaines
années, nous serons la force politique la plus relevante de l’Angola.
Donc
en fait, votre objectif c’est de « manger » l’Unita ?
Non,
notre objectif c’est de gouverner le pays, d'amener le changement.
« Manger » le MPLA serait donc plus correct.
Vous
avez obtenu huit députés aux dernières élections. Mais du coup, est-ce que vous
n’avez pas divisé l’opposition et fait le jeu du parti au pouvoir ?
Au
contraire. Le MPLA avait 80 % de l’électorat. Nous avons créé la Casa, et
le MPLA a baissé. Le MPLA ne va pas faire la démocratie, parce qu’ils n’ont pas
de conviction démocratique. Ils ne croient pas à ça. Et dos Santos (président
de l'Angola, ndlr) l’a dit clairement, la démocratie lui a été imposée par la
force.
Alors,
il faut conquérir la démocratie en Angola ! Plus de 60 % de la population
est très pauvre. La gouvernance, c'est la corruption, le despotisme. José
Eduardo dos Santos est l’un des plus riches de l’Afrique. Sa fille est devenue
la femme la plus riche. En dix ans ! Et tout le monde le sait.
Le
MPLA ne peut-il pas s’appuyer sur les revenus du pétrole ? Ne vous sentez-vous
pas tout petit, face à une telle puissance ?
Le
MPLA s’appuie sur les revenus du pétrole. Et c’est exactement pour cette raison
que le peuple ne va pas accepter cet état de choses continuellement !
Allez
dans les bidonvilles des grandes villes, allez dans l’espace rural. La
population souffre. A quoi sert d’avoir beaucoup de pétrole si la population
est pauvre ?
Voilà
trente-quatre ans que José Eduardo dos Santos est à la présidence. Il va
peut-être bientôt partir. Est-ce que vous pensez que la bataille pour sa
succession est une opportunité pour vous ?
Le
changement est inévitable. Et nous voulons que ce soit la Casa qui
l'emporte. La Casa n’a pas la lourdeur d’un passé de guerre. Elle n'a qu'un an
d'existence.
Oui,
mais vous étiez un camarade de Jonas Savimbi ?
Je
l'étais. Mais je n’ai pas le poids des choses de la guerre ! Ça c’est
l’histoire du MPLA et de l’Unita. Pas de la Casa !
Au
moment de la prochaine succession du président dos Santos, pensez-vous que le
MPLA va se déchirer ?
Le
déchirement est inévitable, parce que les signes sont déjà là. Il y a ceux qui
sont aujourd’hui au pouvoir et qui représentent la présidence et il y a le
parti, les apparatchiks du parti.
Risque-t-il
d’y avoir une guerre de succession entre les proches du président actuel, comme
l’ancien Monsieur « pétrole », Manuel Vicente et les apparatchiks du
MPLA ?
Cette
lutte du pouvoir est déjà concrète. Et à un moment où ils quittent le pouvoir,
ça me paraît inévitable.
Et qui
va l’emporter ?
De
toute façon, nous espérons profiter de cet état de choses, et que ce soit nous.
L’armée
de votre pays est l’une des plus fortes du continent. Si demain, le président
dos Santos se retire, est-ce qu’elle ne sera pas l’arbitre ?
Non,
elle ne le sera pas, parce que depuis la fin de la guerre, elle s’est retirée
de la vie politique.
Et (on
voit) la façon dont elle est construite aujourd’hui, avec des éléments qui sont
venus des forces armées de et pour la libération de l'Angola (les Fala et les
Fapla, ex-groupes armés respectivement du MPLA et de l’Unita, ndlr). Il faudra
maintenir la cohésion des forces armées pour le bien du pays. Parce que sinon,
ce sera problématique.
Vous
craignez un retour de la guerre civile ?
Ce
n’est pas possible d’avoir un retour à la guerre civile. Mais il faut garantir
un changement avec stabilité.
Est-ce
que l’autre force du MPLA, ce n’est pas le soutien dont il bénéficie, notamment
à Pékin et à Washington ?
Aujourd’hui,
le système et le régime sont discrédités partout. Même les affaires sont
conditionnées ! C’est dos Santos (qui distribue), maintenant un peu pour Total,
demain un peu pour Chevron, etc. Il joue les équilibres. Mais ce n’est pas une
économie ouverte et libérale. Et c’est pour cela que je dis qu’aujourd’hui
(que) la communauté internationale ne supporte pas le régime, elle le tolére
seulement.
Pour
l'enclave de Cabinda, quelle est la solution ? Le statu quo, l’autonomie ou
l’indépendance ?
Dialogue
et autonomie. Dialogue, pour en finir avec l’état actuel d’instabilité et de
conflits. On ne va pas résoudre le cas du Cabinda avec les armes. Il faut établir
un cadre d’autonomie, dans le cadre angolais. Je ne pense pas que le Cabinda
soit viable en gagnant son indépendance. Avec l’Angola, avec la RDC, cela
pourrait même susciter des conflits militaires entre ces pays, qui tous,
réclament une certaine « proximité » avec l'enclave. Alors c’est pour
cela que je pense qu'il faut quand même garantir le dialogue mais conserver un
régime d'autonomie au Cabinda.
Et
l’alliance politique aujourd’hui, entre le régime MPLA et le régime de Joseph
Kabila à Kinshasa, est-ce une bonne stratégie ?
Je ne
crois pas qu’il y a coopération. Ce qu’il y a, c’est une espèce de tutelle de
l’Angola sur la République démocratique du Congo (RDC).
C’est-à-dire
?
C'est-à-dire
que le gouvernement de la RDC n’est pas complètement indépendant. Ils doivent
d'un point de vue stratégique, composer avec l’Angola. Sinon, ils ne peuvent
survivre, à cause du Rwanda à côté, notamment. Tant qu’il y a la garantie que
dos Santos est proche de Kabila, les Kagamé (président du Rwanda, ndlr) et
autres de la région doivent être beaucoup plus prudents.
Y
a-t-il aujourd’hui des militaires angolais qui stationnent au Congo-Kinshasa ?
Il y a
des éléments de coopération pour la formation et pour la garantie de la
sécurité du président Kabila.